Les enjeux des élections sénatoriales

12.05.2023 - Éditorial

Pour la majorité présidentielle : stabilité et cohérence

La majorité présidentielle au Sénat est aujourd’hui principalement éclatée au sein de deux groupes principaux : RDPI, présidé par François Patriat, et Les Indépendants, présidé par Claude Malhuret (respectivement Renaissance et Horizons). Les membres de ces groupes ne se sentent pas tous liés par une obligation de solidarité.

Pour le président de la République, l’enjeu est de maintenir le groupe RDPI, dont la moindre perte serait vue comme un recul de son influence au sein du Sénat, et de faire croître de manière générale le pôle majoritaire. C’est le groupe de Claude Malhuret qui devrait le plus progresser avec des risques importants de divisions au sein des départements à scrutin de liste (Le Nord, les Yvelines…).

 

Pour les centristes : un groupe pivot entre la majorité présidentielle et la majorité sénatoriale

L’Union Centriste est le groupe présidé par Hervé Marseille. S’il est en partie lié au Modem, il se revendique comme intégrant la majorité sénatoriale de droite. Les listes LR et UC sont d’ailleurs souvent établies en cohérence.

Ce groupe est particulièrement ambigu sur ses prises de position, ce qui s’est notamment ressenti lors du débat sur la réforme des retraites. Ses positions sont souvent à appréhender en raison de nombreux sénateurs du groupe élus au scrutin uninominal et non au scrutin de liste, et ne souhaitant pas revendiquer d’étiquette politique claire.

 

Pour la gauche sénatoriale : un bloc anti NUPES ou bascule pro NUPES

La gauche au Sénat est aujourd’hui un pôle de résistance à la stratégie de caporalisation de LFI au sein de la NUPES. Le groupe RDSE (parmi lequel la majorité présidentielle espère là aussi trouver des soutiens) et les communistes continueront avec clarté à s’y opposer.

Les enjeux sont plus du côté des groupes Écologiste et Socialiste. Le premier devrait naturellement croître avec les très bonnes élections municipales de 2020. Quant au groupe PS, les divisions au sein de la direction du parti vont se révéler sur les investitures. Figure du PS et du Sénat puisqu’elle en est Vice-Présidente, Laurence Rossignol voit son investiture dans l’Oise menacée après que le 1er fédéral ait été choisi par les adhérents.

Plus que le nombre au sein de chaque groupe, c’est bien plutôt la composition interne qui sera révélatrice d’une bascule ou d’une stabilité.

 

Pour la majorité sénatoriale LR : clarté et stabilité

Le groupe majoritaire LR n’aura aucune difficulté à maintenir son primat sur le Sénat et Gérard Larcher, qui a finalement annoncé qu’il serait à nouveau tête de liste dans les Yvelines, devrait être renouvelé au Plateau sans difficulté.

Le groupe avait réussi à croître de 4 sénateurs en 2020. Pour parvenir à maintenir ses 148 membres ou progresser, il peut espérer miser sur les risques importants de division de la majorité présidentielle ou du PS au sein des départements à scrutin de liste.

Bruno Retailleau a clairement annoncé qu’il souhaitait garder la présidence du groupe, ce qu’il devrait réussir sans difficulté puisqu’il avait déjà pu compter sur le soutien net des sénateurs lors de la campagne interne face à Éric Ciotti pour la présidence LR.


Pour le gouvernement

La tenue et le résultat des élections sénatoriales percuteront nécessairement le calendrier parlementaire.

Plusieurs initiatives de la majorité sénatoriale seront adoptées d’ici la fin de la session ordinaire (feux de forêt en cours d’examen et engagement du gouvernement sur le ZAN).

Surtout, la capacité à adresser des sujets clés, comme l’immigration, va nécessairement être revue par le calendrier des élections sénatoriales qui va rigidifier les positions de chacun jusqu’à fin septembre.

Si le bloc Centriste (UC / RDSE / Indépendants) se renforçait, alors la copie initiale du gouvernement avec le titre de séjour sur les métiers en tension aurait plus de chances d’aboutir. Elle est le cœur du pacte de ce projet de loi vis-à-vis de la majorité.

En résumé, les équilibres au sein du Sénat ne devraient en rien être entamés. Mais des clés de lecture intéressantes se trouvent au sein de chaque groupe et de chaque bloc :

  • Sur la capacité de la majorité présidentielle à s’unir et du groupe RDPI à s’affirmer ou refluer
  • Sur la clarification du groupe UC
  • Sur la NUPESisation de la gauche sénatoriale
  • Sur le primat net de la droite au Sénat.

Tous les groupes sont face à leurs propres enjeux de cohérence internes et les sénatoriales en seront évidemment un vrai révélateur.

Gregory Besson-Moreau
Gregory Besson-Moreau est entrepreneur dans l’ingénierie et ancien député de l’Aube, entre 2017 et 2022. Il a notamment été rapporteur de la loi sur l’alternative aux néonicotinoïdes et de la loi Egalim 2. Il a également été rapporteur de la commission d’enquête Lactalis ainsi que de la commission d’enquête sur la grande distribution.