Israël – Instigateur de paix au Moyen-Orient ?

21.01.2021 - Éditorial

Albert Einstein a dit un jour : “La théorie, c’est quand on sait tout et que rien ne fonctionne. La pratique, c’est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi. Ici, nous avons réuni théorie et pratique : Rien ne fonctionne… et personne ne sait pourquoi !” Plus d’un demi-siècle plus tard, on pourrait parier qu’Einstein définirait l’année que nous venons de terminer ainsi : Rien de fonctionne, et personne ne sait pourquoi !

Dans un monde qui ne cesse d’évoluer à une vitesse incontrôlable années après années, 2020 est arrivée, inattendue, balayant avec elle projets et certitudes. D’une incompréhension totale, à une réactivité plus ou moins pertinente, notre monde touché par cette pandémie ne sera plus jamais le même. Pour certains, il ressort malgré tout de cette année édifiante une note positive. C’est le cas du Moyen Orient, et en particulier d’Israël, l’État le plus controversé de cette région qui ne cesse de surprendre.

La stabilité du Moyen-Orient et la résolution du conflit Israélo- Palestinien sont des objectifs qui tiennent jusqu’à aujourd’hui en haleine les dirigeants du monde entier, mandat après mandat, décennies après décennies, chacun considérant la résolution de ces enjeux comme primordiale dans leur accomplissement en tant que dirigeant, leur permettant d’entrer dans les livres d’Histoire comme celui ou celle qui aura réussi cet utopique pari où tant d’autres ont échoué.

Un seul y est parvenu. Et il s’agit du non moins controversé Président Américain Donald J. Trump, qui termine son mandat présidentiel cette semaine dans un climat on ne peut plus chaotique. Certains diront que ses accomplissements au Moyen Orient n’en sont pas, mais les principaux intéressés confirmeront l’étendue encore inexplorée des perspectives qui s’offrent désormais à eux, grâce à ces si attendus accords de paix entre Israël et ses voisins Arabes.

Jusqu’à l’été 2020, seuls deux accords de paix furent conclus entre l’État juif et ses pays frontaliers : le premier avec l’Égypte en 1979 et le second, quinze ans plus tard en 1994, avec la Jordanie. Pour autant, si les parties prenantes de ces normalisations établirent alors des relations diplomatiques et politiques, allant même jusqu’à conclure des accords économiques – une première pour Israël avec des pays Arabes depuis son indépendance en 1948 – il n’en fut pas de même pour les populations respectives de ces pays qui n’ont pas vu leur quotidien réellement impacté par ces normalisations. L’année 2020 marque un tournant en ce sens.

Témoin de quatre accords signés en l’espace de quelques mois entre Israël et des États arabes jusque-là plus ou moins hostiles à toute forme de relations avec l’État Hébreu, 2020 fut l’année de tous les miracles pour le Moyen-Orient. Premièrement avec les Émirats Arabes Unis courant Août, suivi de très près par le Bahreïn en Septembre, puis le Soudan en Octobre, et enfin le Maroc en Décembre. Cinq mois pour quatre accords, où cinquante ans ont à peine suffi à en conclure deux.

Force est de constater l’ampleur de l’accomplissement mené de front par les États-Unis, et plus précisément par l’administration Trump, qui a réussi en l’espace de quatre ans de travail à résoudre – encore partiellement mais sûrement – certains des conflits majeurs du Moyen-Orient. Et ce n’est pas fini. L’effet boule de neige de ces premiers exploits s’accentue d’autant plus que d’autres États arabes de la région – l’Arabie Saoudite, Oman, pour ne citer qu’eux – ont également exprimé leur intérêt de suivre le mouvement de normalisation dans les mois et années à venir. Plusieurs questions viennent alors se poser quant à la solidité de ces accords de paix, ainsi que l’impact qu’ils auront sur la région.

Pourquoi ces accords sont-ils différents des précédents ? Sont-ils faits pour durer ou sont-ils le fruit d’un chantage économique et politique des États-Unis ? Seront-ils impactés par le changement d’administration aux États-Unis ? Ces accords sont différents des précédents car ils ne sont pas simplement diplomatiques, mais ils incluent les citoyens des pays concernés. Ces accords sont tangibles. Ces accords sont humains. Qui aurait imaginé un jour voir un avion israélien El-Al se poser à Abu Dhabi, accueilli par une assemblée d’Émiratis sur un parterre de drapeaux d’Israël ? Qui aurait prédit il y a quelques mois que pas moins de deux vols journaliers fassent des allers-retours entre Tel Aviv et Dubaï, transportant des milliers de touristes entre les deux destinations ?

Des accords économiques, technologiques, touristiques, et éducatifs ont déjà été conclus entre les deux pays. Des collaborations entre institutions médicales ont vu le jour, des webinars entre associations ont été lancés. Des produits israéliens ont été importés aux Émirats. Et ce n’est qu’une question de temps pour que le développement de tels liens ne s’établisse avec les autres pays signataires. Mais il existe une autre raison qui a entièrement changé la donne dans la façon dont ces accords ont été reçus dans chacun des pays concernés, suscitant un engouement sans précédent : les réseaux sociaux.

Aujourd’hui, la digitalisation de la politique et les réseaux sociaux ont apporté un renouveau sur l’essence même de ce qu’est un accord de paix. Et c’est la notion de partage qui en est ressortie, tant la joie d’ouvrir leurs frontières et d’établir des liens réels entre les cultures a galvanisé les ressortissants de chacun de ces pays. Filtre Instagram, campagne Facebook, hashtag Twitter, aucun moyen digital ne fut épargné par les parties prenantes des accords, générant une implication directe et inédite des citoyens de ces pays dans ces moments qui ont marqué l’histoire. Peut-être que cette médiatisation inouïe fut également une conséquence de la pandémie mondiale du coronavirus, obligeant une digitalisation hors norme de ces évènements historiques, faute de pouvoir les organiser en présentiel, touchant alors un plus grand nombre de personnes. Alors non, ces accords ne sont pas éphémères. Un chantage économique ? Je ne crois pas. Les Émirats sont sûrement la dernière entité étatique pouvant être soudoyée financièrement.

Le Bahreïn ? De même. Un chantage politique ? Il y a évidemment eu des négociations quant à ce que chaque partie recevrait en acceptant la normalisation. Pour le Soudan, ce fut la levée des sanctions américaines. Pour le Maroc, ce fut la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental par les États-Unis. Mais parler de chantage reviendrait à insinuer que ces pays signataires n’ont rien à gagner en normalisant leur relation avec Israël.

Pourtant, c’est tout le contraire. Que ce soit dans la lutte contre le terrorisme, l’expertise médicale, ou encore la formation militaire de pointe, sans parler de l’expansion du marché du tourisme, Israël a beaucoup de ressources – tant intellectuelles, matérielles que humaines – à exporter. Concernant le changement d’administration Américaine, il est peu probable que le nouveau Président des États-Unis revienne sur ces avancées historiques, ravivant l’image Américaine au Moyen- Orient. Il est au contraire fort à présager qu’il continuera dans la lignée de son prédécesseur, avec plus ou moins de poigne. Le Moyen-Orient, en pleine métamorphose, prend désormais son destin en main.

Et rien ni personne ne l’arrêtera. La conférence des pays du Golf au début du mois l’a prouvé avec la réconciliation tant attendue entre le Qatar et l’Arabie Saoudite, l’Égypte et le Bahreïn. Un accord prochain entre le Qatar et Israël serait-il envisageable ? Rien n’est plus impossible dorénavant. Finalement, une dernière question reste en suspens : qu’en est-il de la cause palestinienne ? Pour les pays arabes du Moyen-Orient, le développement de leur relation avec Israël prédomine-t-il désormais sur leur combat pour la cause palestinienne ?

Bien que l’arrêt immédiat des implantations Israéliennes en Judée Samarie fût une clause fondamentale des Accords d’Abraham signés à Washington, l’avenir de la cause palestinienne n’a jamais été autant relégué au second plan que durant ces derniers mois.

Entre l’interminable mandat de quatre ans du Président de l’Autorité Palestinienne, au pouvoir depuis maintenant onze ans, les scandales éducatifs de UNRWA (incitation à la haine et au jihad contre Israël) et la continuité des paiements à vie aux familles de terroristes commettant des crimes contre la population Israélienne, les avantages à tirer de leur soutien à cette cause pour les pays arabes de la région sont bien moins évidents. En définitive, la résolution du conflit Israélo-Palestinien pourrait- elle venir de la normalisation diplomatique entre Israël et tous ses voisins arabes ?

Rien n’est moins sûr désormais.

Sarah Chemla
Sarah Chemla est une ancienne élève des classes préparatoires MPSI/MP à Janson de Sailly et de l’Université Paris Dauphine, diplômée en mathématiques appliquées, informatique et sciences des données. Elle change ensuite de voie et part s’installer à New York, où elle entre en politique et diplomatie internationale en intégrant la Mission d’Israël à l’ONU en tant que Conseillère pour l’Ambassadeur d’Israël, Danny Danon. Actuellement basée en Israël, elle travaille à la fois comme contributrice pour le Jerusalem Post ainsi que comme conseillère indépendante en politique, diplomatie et stratégie digitale.