Énergies renouvelables : se donner les moyens de ses ambitions !

22.12.2023 - Regard d'expert

« L’UE, pourtant consciente d’avoir raté le développement du photovoltaïque au profit de la Chine, peine à développer de réelles protections de ses filières. Les Américains n’ont pas ces pudeurs…

Le développement des énergies renouvelables (EnR) est l’un des grands engagements pris par l’Union européenne (40 % dans le bouquet énergétique en 2030). Alors que l’UE s’est donné pour objectif une puissance installée de 100 gigawatts (GW) dans l’hydrogène en 2030, la capacité réelle aujourd’hui correspond à seulement 0,2% de cet objectif ! La France, elle, n’a pas atteint l’objectif fixé en 2009 : 23 % d’EnR dans sa consommation énergétique finale.

Comment développer les EnR et surmonter les obstacles politiques, sociaux et économiques que l’on perçoit de plus en plus clairement ? Au-delà de l’ampleur des financements, sujet crucial, proposons d’ores et déjà quelques pistes.

Les EnR ne sont pas une martingale. Elles sont une condition nécessaire, dans un bouquet diversifié, mais pas suffisante. Rappelons ici qu’EDF, numéro un mondial du nucléaire, est aussi le premier producteur européen d’EnR. Rappelons qu’en fait de développement de l’hydrogène, l’électricité pour le produire est essentielle, et que la France a tout à gagner à développer l’hydrogène à partir du nucléaire… Ce qui a d’ailleurs suscité beaucoup de débats au sein de l’UE. Il est ainsi logique que les préconisations de RTE et les orientations de la Stratégie française pour l’Energie et le Climat prennent en compte cette complémentarité. Il faut également faire confiance au progrès technique. Plusieurs exemples l’attestent.

Le premier tient au nucléaire dont la COP28 a consacré le retour en grâce. D’ailleurs, si l’Allemagne conserve sa position sur les centrales, elle n’oublie pas de poursuivre ses recherches à moyen/long terme sur la fusion nucléaire car elle en perçoit tout le potentiel.

Le second concerne l’éolien flottant avec l’ambition affichée d’Emmanuel Macron de faire de la France le leader européen de ce secteur. L’Etat a déjà lancé des appels d’offres sans attendre les résultats des fermes-pilotes.

Chaîne de valeur. Le troisième concerne l’hydrolien. Comme toute innovation, cette technologie prometteuse comprend sa part d’aléa. Construire une filière nécessite de s’appuyer sur des briques technologiques éprouvées pour réduire les risques. Mais attention aux contradictions ! On ne peut pas faire grandir une filière en prenant des décisions frileuses. Lancer des appels d’offres commerciaux sans attendre le résultat des fermes-pilote est là aussi indispensable. C’est tout l’enjeu de la future programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) figurant dans le projet de loi sur la Souveraineté énergétique de la France qui sera débattu au Parlement début 2024.

L’UE a fait des efforts, notamment en matière d’aides d’Etats. Sommeillant dans les Traités, les Projets Importants d’Intérêt Européen Commun (PIIEC ou IPCEI) ont été utilisés dans les domaines des batteries et de l’hydrogène. Est-ce suffisant ? Sans doute pas. Si l’on s’arrête à l’hydrogène, à côté de la construction d’une offre, la solvabilité d’une demande qui, seule, permettra à un marché véritable de se faire jour, manque. Et si beaucoup d’obstacles ont été réduits, d’autres surgissent, comme l’attestent – hélas – de nouvelles obligations de consultation qui ralentissent les industriels. L’UE, pourtant bien consciente d’avoir raté le développement du photovoltaïque au profit de la Chine, son rival systémique, peine à développer de réelles protections de ses filières. Les Américains n’ont pas ces pudeurs…

En France, si l’Etat veut rester cohérent sur l’innovation, il devra tenir les deux bouts de la chaîne, de la création de la technologie au marché, en assumant une part de made in France.

Publié dans L’Opinion le 18 décembre 2023

Bruno Alomar
Bruno ALOMAR est diplômé de l’IEP de Paris, d’HEC et de l’Ecole de Guerre. Ancien élève de l’ENA, il est également titulaire d’un LLM de l’Université Libre de Bruxelles. Cet économiste français a travaillé au ministère des Finances et à la Commission européenne (en tant que haut fonctionnaire à la DG COMP, Direction générale de la concurrence) et a enseigné les questions européennes à Sciences Po Paris et à l'IHEDN. Auteur de La réforme ou l’insignifiance : dix ans pour sauver l’Union européenne (Ed. Ecole de Guerre – 2018), Bruno ALOMAR commente régulièrement l’actualité, et notamment les questions européennes, à travers des chroniques publiées dans divers médias français. Depuis 2020, il est également PDG de New Horizon Partners, une société spécialisée dans le conseil en relations publiques et communication.