Saudi Vision 2030, colonne vertébrale de la nouvelle Arabie

24.11.2023 - Regard d'expert

L’Arabie Saoudite, l’un des plus grands producteurs de pétrole au monde, a lancé un ambitieux programme de réforme économique appelé Saudi Vision 2030. Ce plan vise à diversifier l’économie saoudienne et à réduire sa dépendance aux revenus du pétrole.

Le contexte économique et démographique de l’Arabie Saoudite a joué un rôle clé dans la formulation de la Vision 2030. Avec une population jeune et en croissance rapide, le pays fait face à d’importants défis en termes d’éducation, d’emploi et de développement des infrastructures. De plus, la chute des prix du pétrole ces dernières années a entraîné une baisse des revenus pour le gouvernement saoudien. Face à ces défis, le prince héritier Mohammed bin Salman a annoncé la Vision 2030 en avril 2016.

La Vision 2030 vise principalement à diversifier l’économie saoudienne en développant des secteurs non liés au pétrole, tout en la rendant plus résiliente et diversifiée.

Parmi les objectifs clés figurent :

  1. Augmenter la part du secteur privé dans le PIB
  2. Créer de nouvelles opportunités d’emploi pour les jeunes Saoudiens, hors de la fonction publique
  3. Attirer des investissements étrangers directs
  4. Développer le secteur du tourisme et des loisirs
  5. Stimuler la participation des femmes dans la main-d’œuvre

Quelles implications pour les entreprises ?

La réalisation de la Vision 2030 présente à la fois des opportunités et des défis pour les entreprises opérant en Arabie Saoudite. Parmi les opportunités, on peut citer :

  1. Investir dans des projets d’infrastructure tels que le développement de zones industrielles et logistiques. Le PIF, nous y reviendrons, joue ici un rôle moteur en s’associant très fréquemment à ces projets ;
  2. Participer à des partenariats public-privé pour développer les secteurs prioritaires (tourisme, loisirs, santé, transport, etc…) ;
  3. Soutenir la création d’emplois locaux en embauchant davantage de travailleurs saoudiens, et en imposant la saoudisation des métiers ;
  4. Améliorer l’éducation et les soins de santé, pour ne plus envoyer la population à l’étranger et satisfaire l’ensemble du maillage territorial ;
  5. Plus généralement, contribuer à l’amélioration de la formation professionnelle et du développement des compétences locales.

Cependant, les entreprises doivent également s’adapter à un environnement réglementaire changeant, notamment en matière de localisation des emplois et d’investissements étrangers.

 

Le PIF, bras armé de Saudi Vision 2030

Le Public Investment Fund (PIF), fonds souverain d’Arabie Saoudite, joue un rôle central dans la réalisation de Saudi Vision 2030. Il a pour mandat de diversifier l’économie saoudienne, de créer des emplois et de stimuler la croissance. Mais il a surtout pour objectif de porter ses actifs sous gestion à 2 000 milliards de dollars d’ici 2030. Le fonds a déjà réalisé des investissements importants dans des secteurs tels que l’énergie, les transports, la santé, les infrastructures, la technologie et les services financiers, mais déploie chaque mois de nouveaux projets sans vraiment se limiter à quelque domaine que ce soit.

Le PIF par conséquent joue un rôle clé dans la diversification de l’économie saoudienne, en investissant dans des secteurs non pétroliers prioritaires tels que définis par Saudi Vision. Le fonds investit dans des entreprises qui ont un potentiel de croissance élevé et qui peuvent créer des emplois durables. Concrètement, de dizaines de milliers d’emplois ont déjà été créés en Arabie Saoudite grâce à ces déploiements. Le PIF contribue également à stimuler la croissance économique, en investissant dans des projets qui ont le potentiel d’accroître la productivité et la compétitivité de l’économie saoudienne.

Ces investissements contribuent à créer une croissance économique durable, rassurant les investisseurs étrangers.

Comparaison et interactions avec les autres visions régionales

Les visions du GCC partagent un certain nombre de similitudes. Elles visent toutes à diversifier l’économie en dehors du pétrole et du gaz et ont toutes la volonté de créer une identité régionale commune.

Saudi Vision 2030 est la plus ambitieuse des visions du GCC, en accordant une attention particulière à la modernisation du secteur public et à la création d’un environnement favorable aux affaires. Elle vise également à faire de l’Arabie Saoudite le leader naturel de la zone. Dans ce sens, la création d’un corridor logistique entre l’Inde, le Moyen-Orient et l’Europe, annoncé lors du dernier G20 à Delhi, est un projet d’envergure qui devrait donner un rôle central au Golfe, et à l’Arabie Saoudite en particulier, dans les échanges internationaux. Ce corridor, qui devrait être opérationnel d’ici 2030, reliera les trois régions par un réseau de voies ferrées, de voies maritimes, de pipelines et de câbles à haut débit. Il permettra de réduire les délais et les coûts de transport entre ces trois zones économiques dynamiques.

L’Arabie Saoudite, située au cœur de ce corridor, devrait en tirer un avantage considérable. Le pays est déjà un important centre de transit pour les marchandises entre l’Asie et l’Europe. Avec la mise en place de ce corridor, l’Arabie Saoudite devrait renforcer sa position de hub logistique régional et satisfaire ainsi un objectif majeur de puissance de Saudi Vision.

Notons au passage que le corridor Inde-Moyen-Orient-Europe est également un projet géopolitique important. Il vise à contrer l’influence de la Chine dans la région, notamment dans le cadre de son projet des nouvelles routes de la soie.

Les autres visions du GCC sont plus modestes dans leur ambition. Elles se concentrent davantage sur la diversification économique et la création d’emplois. La vision du Qatar, par exemple, vise à en faire un centre mondial des affaires, du commerce et des finances,  tandis que la vision de l’EAU vise à faire de l’EAU un centre mondial de l’innovation et de la technologie.

 

Benoit Tamalet
Benoit Tamalet est un expert en relations internationales avec plus de 20 ans d'expérience dans la région du Moyen-Orient. Après avoir commencé sa carrière en tant qu'attaché économique à l’Ambassade de France à Riyadh en 2003, il a ensuite été chargé du suivi des transferts de technologies sensibles à l'AIEA pour la région Moyen-Orient au sein des safeguards. En 2007, il a rejoint le gouvernement saoudien, où il a géré les transferts de technologies et les investissements entre le Royaume et l'Europe au sein de l’Ambassade d’Arabie saoudite à Paris. En 2011, il a été nommé conseiller régional santé pour le Moyen Orient à l'Ambassade de France à Riyadh. En 2016, il a créé GHA International, une société de conseil en market access. Il rejoint ESL & Network en 2022