Atouts du Vietnam pour la zone Asie-Pacifique, quelles opportunités pour les entreprises françaises ?

06.04.2023 - Éditorial

Une table ronde organisée par Salveo, filiale du groupe ADIT, s’est tenue ce mardi 4 avril, avec la présence exceptionnelle de Monsieur l’Ambassadeur du Vietnam en France S.E.M. DINH Toan Thang. Ce moment d’échange fut l’occasion d’aborder la place du Vietnam dans la zone Indopacifique (présentée par Pierre Journoud, docteur en Histoire de l’université Paris I Panthéon Sorbonne et spécialiste de la politique étrangère vietnamienne) ainsi que l’étendue et le potentiel des relations économiques franco-vietnamiennes (présentés par Jean-Philippe Eglinger, ancien membre de la Chancellerie Politique de l’Ambassade de France à Hanoi, enseignant chercheur à Paris et Hanoi).

 

La place du Vietnam dans la zone Asie-Pacifique 

La zone Asie-Pacifique, ou Indopacifique, est aujourd’hui marquée par la montée en puissance de la Chine et l’aggravation de sa rivalité avec les États-Unis, ainsi que par un certain nombre de pressions démographiques, industrielles, urbaines et énergétiques. L’Indopacifique est également la région du monde la plus touchée par le réchauffement climatique et la pollution, ainsi que par la montée du niveau des océans (l’Indonésie prévoit notamment de relocaliser sa capitale Jakarta, menacée de disparition dans les années à venir). Dans ce contexte géopolitique, le Vietnam fait face à trois menaces ou incertitudes : celle d’une nouvelle Guerre froide avec des conflits hybrides, de la place particulière de Taiwan dans la région et du conflit en Mer de Chine méridionale. Malgré ce contexte régional instable, des espoirs subsistent quant à une coexistence pacifique et pacifiée entre la Chine et ses voisins.

Dans la conduite de son action dans la région, le Vietnam s’illustre par la recherche constante d’une diplomatie de l’équilibre, qui se traduit par sa “politique des Quatre Non” : non aux alliances militaires, non à l’alignement avec un État contre un autre, non à l’installation de bases militaires étrangères sur le territoire vietnamien et non à la menace ou à l’usage de la force dans les relations internationales. Cette politique marque la volonté du Vietnam de ne plus être dépendant d’une unique grande puissance, comme il l’a été vis-à-vis de l’URSS.

Ainsi, le Vietnam a multiplié et diversifié le nombre de ses partenaires diplomatiques, passant de 57 partenaires bilatéraux en 1986 à 169 au début des années 2000. Il a conclu des partenariats stratégiques avec l’ensemble des pays du Conseil de Sécurité des Nations Unies, ainsi que de nombreux États européens et voisins régionaux. Le pays a également rejoint l’Asean en 1995, la FED en 1998, l’OMC en 2007, ainsi que l’OIF, profitant par la même d’un rapprochement avec un certain nombre d’États africains.

La France a réussi à conserver des liens réguliers et étroits avec le Vietnam, y compris pendant la période difficile pour ce dernier, avec un point d’orgue avec la visite de François Mitterrand en 1993, qui a permis de diversifier et approfondir les coopérations avec le Vietnam dans tous les domaines.

 

Le potentiel des relations économiques franco-vietnamiennes

L’année 1986 est celle du Đổi mới (renouveau), soit l’autorisation puis le soutien à l’économie de marché par le parti communiste vietnamien. Depuis, le Vietnam a développé ses liens économiques avec un certain nombre de pays de la région Asie pacifique d’abord (en premier lieu ceux de l’Asean), avec des pays européens et avec les États-Unis ensuite.

Aujourd’hui, 80 % des IDE au Vietnam proviennent de pays asiatiques et 80 % du commerce vietnamien s’effectue avec ses voisins. Quant à la France, si elle était le premier investisseur non-asiatique en 1980, elle n’a pas su bénéficier de l’intégration économique du Vietnam et est désormais largement dépassée par les États-Unis, les Pays-Bas, le Canada ou encore le Royaume-Uni.

Si de grands groupes français sont présents au Vietnam (EDF, Safran, Airbus, Bouygues…) nous notons une sous-représentation des jeunes pousses françaises. Ainsi, il convient de s’appuyer à la fois sur les partenariats économiques tissés entre le Vietnam et l’Union européenne, mais également sur la formation, a fortiori linguistique. Par ailleurs, une voie privilégiée pour entrer “en douceur” sur le marché vietnamien consiste à prendre des parts dans des entreprises locales, déjà implantées. Il convient aussi d’élargir les investissements, aujourd’hui massivement concentrés sur Ho Chi Minh et Hanoï, en tenant compte des 63 provinces que compte le pays. Tout cela nécessite une bonne connaissance de l’écosystème local, des opportunités nombreuses au Vietnam et des secteurs d’intérêt pour le pays (NTIC, agroalimentaire, santé, construction navale, Défense…).

Pour finir, il est essentiel de s’engager avec le même enthousiasme et la même bonne volonté que les acteurs vietnamiens, politiques comme économiques, dans le développement des liens entre les deux pays.

 

Intervention de Monsieur l’Ambassadeur DINH Toan Thang

« Cette table ronde, aujourd’hui, prend d’autant plus de signification qu’elle est tenue en cette année 2023, date du cinquantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et le Vietnam et du dixième anniversaire du partenariat stratégique.

Grâce à d’importantes réformes structurelles de modernisation mises sur pied depuis 1986, le Vietnam a rejoint le groupe des pays à revenu intermédiaire et est passé d’une économie agricole (18 % PIB) à une économie dominée par l’industrie (40 % du PIB) et les services (38 % du PIB).

Devenu la troisième économie de l’Asie du Sud-Est en termes de PIB en PPP, le pays est classé au deuxième rang mondial en termes de progression de PIB, enregistrant une croissance annuelle toujours soutenue et même un taux de 8 % pour l’année 2022. Le pays a beaucoup d’avantages, parmi lesquels un commerce extérieur dynamique, une politique monétaire efficace et une consommation intérieure en pleine expansion.

Le Vietnam s’est engagé également dans plusieurs accords de libre échanges de nouvelle génération, tels que l’Accord de Partenariat transpacifique, entré en vigueur en janvier 2019 ; l’Accord de libre-échange avec l’Union européenne en août 2020 et le Partenariat économique régional global en janvier 2022. Ainsi, avec 15 accords de libre-échange en vigueur début 2022, notre pays fait partie d’un vaste réseau économique régional et interrégional.

La France est l’un des premiers partenaires économiques européens du Vietnam depuis fort longtemps. La coopération économique a été parmi les domaines les plus illustratifs de nos relations bilatérales et dispose d’un mécanisme de pilotage fort, le Dialogue de haut niveau de la coopération économique. D’ailleurs, la coopération économique constitue le deuxième pilier du Partenariat stratégique Vietnam-France.

Troisième investisseur européen au Vietnam, la France y comptabilise près de quatre milliards de dollars de projets d’investissement. En visite officielle en France en novembre 2021, le Premier Ministre vietnamien Pham Minh Chinh a souligné l’importance du renforcement de la coopération économique entre nos deux pays, ainsi que l’accélération des actions facilitant la connexion, les échanges et le réseautage des liens économiques.

Lors de son déplacement récent au Vietnam, Olivier Becht, Ministre délégué au Commerce extérieur, a réaffirmé l’importance que la France attache à la coopération avec le Vietnam dans le cadre de sa stratégie indopacifique, ainsi qu’au renforcement de la présence économique française dans cette région, qui se traduit par les grands projets structurants pilotés par des entreprises françaises au Vietnam. Le Vietnam est le pays d’implantation de près de 170 filiales de groupes français, employant environ 24 000 personnes.

Le gouvernement vietnamien se donne trois priorités en matière de coopération économique internationale et de réception d’investissements directs étrangers :

  • Favoriser toutes coopérations et investissements permettant un développement durable, fondé sur les sciences et technologies de l’innovation.
  • Favoriser la participation de l’économie vietnamienne à la chaîne de valeur régionale et mondiale.
  • Promouvoir l’économie numérique, l’économie verte et l’économie circulaire.

Dans un monde interdépendant et interconnecté, renforcer la coopération économique s’avère indispensable pour assurer la prospérité commune. La France et le Vietnam disposent d’une proximité historique et multiple, qui constitue un atout majeur pour développer nos liens et nos coopérations.

Dans cette belle perspective de l’année 2023, je suis convaincu que nous pourrons contribuer à la concrétisation de projets communs et à l’approfondissement des relations économiques bilatérales entre la France et le Vietnam. »

Toan Thang Dinh
Toan Thang Dinh est Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République socialiste du Vietnam auprès de la République Française depuis 2021. Il est également Ambassadeur non-résident auprès de la République portugaise, de la Principauté d’Andorre, de la Principauté de Monaco et de la République centrafricaine et Représentant personnel du Président de la République auprès du CPF et de l’OIF.