Femme, Vie, Liberté

06.01.2023 - Éditorial

Depuis plusieurs mois, l’Iran connaît un climat de tensions sociales. La République Islamique fête ce 11 janvier ses 44 ans. Un événement historique qui a profondément transformé le pays. Qu’est-ce qui a poussé les Iraniens et Iraniennes à se révolter ? Retour sur les raisons de la colère qui a embrasé le pays depuis septembre.

Le carcan des mœurs tue

En Iran depuis 1979 et la révolution islamique, la loi appliquée par la police des mœurs oblige les femmes à porter un voile qui leur recouvre la tête et dissimule ainsi leurs cheveux. Mais ce n’est pas uniquement l’affaire des femmes, tout le monde, quelque soit son sexe, quelque soit son genre, est impacté par ces  lois infâmes.

Le vendredi 16 septembre 2022, Mahsa Amini fut battue à mort par cette police pour avoir « mal porté » son voile : une tenue « inadaptée » qui lui a coûté la vie.

Depuis, à Téhéran, au Kurdistan iranien d’où était originaire Mahsa Amini, au Baloutchistan et toutes les grandes et moyennes villes iranienne, Chiraz, Ispahan, Machhad, et même Ghom, le centre religieux du pays, une vive colère s’amplifie chaque jour et la révolte gronde. Les manifestants font face à une répression violente depuis près de 4 mois, ayant déjà fait plus de 500 morts, dont 50 enfants.

Quand la tyrannie s’étend sur une nation, elle touche tout le monde, hommes et femmes, jeunes et vieux…

Quelle leçon pour celles et ceux qui veulent réduire à un différentialisme des luttes qui sont pourtant, qu’on le veuille ou non, universelles ! Les luttes pour la liberté ou l’égalité n’ont pas de salut dans le communautarisme.

En Iran, les défenseurs de la liberté veulent faire exploser ce carcan archaïque qui les empêche de vivre.

Ainsi rappelons qu’en général, la différence entre le fanatisme et l’universalisme est que le premier ne tolère aucune autre culture que la sienne quand le second, au contraire, est composé de diversité, et la recherche. Quand le premier interdit la différence, le second la dépasse, tout en les alimentant, pour tendre aux grandes ressemblances et à l’intérêt général. Concernant le voile, rappelons que le voile islamique n’a jamais libéré aucune femme.

Il est navrant et révoltant qu’une partie des progressistes en France, refuse de s’emparer de ce sujet de peur d’être taxés d’« islamophobie », ou pire, pour des raisons électoralistes. Pour mieux, in fine, le laisser aux extrémistes religieux ou politiques, faisant ainsi le jeu des islamistes. Tandis qu’ailleurs les femmes se révoltent pour s’en libérer, d’autres ici militent pour l’imposer dans les piscines publiques et les écoles.

Il est évidemment impossible de prédire le futur, mais il est fort probable que le mouvement continue.

Le régime fait face à une nouvelle génération d’activistes, qui se démarque de celles qui l’ont précédée ou des mouvements de contestation de 2009. Les iraniennes et iraniens s’élèvent à la fois contre un régime autoritaire et contre un système patriarcal. On le voit avec le nombre de femmes qui enlèvent leur voile dans l’espace public et qui se rendent compte qu’elles sont capables d’opérer un vrai changement. Un retour en arrière semble difficile. L’impact sur la société est assez visible.

Il y a plusieurs années, une femme marchant sans voile dans les rues pouvait se faire attaquer, même par des civils. Aujourd’hui, une partie de la société non seulement s’habitue à voir des femmes sans voile dans l’espace public, mais l’encourage également. Ces protestations ont déjà changé quelque chose dans cette société très patriarcale.

Même s’il est trop tôt pour l’affirmer, la situation présente « un grand potentiel révolutionnaire. »

Plusieurs facteurs comme la diversité sociale des opposants, l’unité des manifestants, l’ampleur mondiale du mouvement, les différentes phases de l’insurrection qui est notamment en train de basculer vers des mouvements de grève, ou encore des revendications claires qui portent atteinte à la légitimité du pouvoir, laissent penser que la bascule vers une révolution pourrait opérer avec le temps.

Ahura Mazdā
L’auteur de cet article est franco-iranien et a mené sa carrière politique et administrative en France. Il a choisi d’écrire sous le nom symbolique d’Ahura Mazdā. La religion iranienne ancienne, prêchée par le prophète Zarathoustra (bien avant l’islam) place au sommet de son panthéon un dieu qu’elle nomme Ahura Mazdā (« le seigneur sage ») et dont la réforme zoroastrienne (vers le VIIe siècle avant Jésus-Christ) fit le souverain unique de la création. Il s’agit d’un nom particulièrement symbolique ‒ issu d’une religion où la femme est l’égale de l’homme ‒ au regard de l’actualité iranienne actuelle.