Le paysage international s’est profondément et durablement transformé cette année. Nous sommes clairement au début d’une nouvelle ère, faite d’affrontements, de risques graves, de remises en cause des règles du jeu coopératives qui prévalaient depuis plus de trente ans.
Pour nous, Européens, c’est le retour de la guerre sur notre continent avec l’agression de la Russie contre l’Ukraine qui constitue le fait décisif. Mais pour ceux qui vivent en Amérique ou en Asie, le développement majeur, confirmé par le congrès du Parti communiste chinois et les élections américaines de mid-term, est l’émergence d’une nouvelle guerre froide entre Washington et Pékin.
Cette nouvelle guerre froide est inversée par rapport à la première : lors de la première, l’URSS était l’autre super-puissance et la Chine son allié sous-développé, victime des erreurs tragiques de Mao (grand bond en avant, révolution culturelle).
Aujourd’hui, grâce aux réformes de Deng Xiaoping mises en œuvre avec succès pendant 40 ans, la Chine est devenue la deuxième économie du monde, alors que celle de la Russie ne pèse guère plus que celles de la Corée ou de l’Espagne. Du fait du choix de Poutine en Ukraine, la Russie va devenir l’obligée de la Chine dont elle sera de plus en plus dépendante en raison des sanctions occidentales.
Ce paysage profondément transformé appelle cinq commentaires :
1- La Chine veut devenir la première puissance mondiale. Elle ne devrait pas y réussir, pour trois raisons :
– Xi Jinping commet les mêmes erreurs que Mao (primauté du Parti y compris dans la gestion de l’économie; règne d’un seul homme sans limites ni contrepoids; choix désastreux comme le zéro Covid; obsession compréhensible mais dangereuse sur Taïwan) ;
– La population va connaître un vieillissement accéléré (elle passera de 1,4 milliard aujourd’hui à 800 millions à la fin du siècle);
– Enfin, les États Unis, malgré leurs graves divisions internes, sont unanimes dans leur volonté de tout faire pour freiner l’ascension de la Chine et ils multiplient les mesures de limitation des transferts de technologie à cette fin.
2- Cette nouvelle guerre froide est, comme la première, marquée par une guerre régionale. Après trois années de combats, de 1950 à 1953, la guerre de Corée se termina par un armistice sur le 38eme parallèle. La guerre en Ukraine, qui pourrait bien durer, se terminera par un méridien qui sera, espérons-le, aussi proche que possible de la frontière internationale entre la Russie et l’Ukraine.
3- Poutine restera dans l’histoire comme :
– le vrai père de la nation ukrainienne, désormais et pour la première fois, rassemblée face à la Russie.
– le dirigeant qui aura réussi à relancer et à élargir l’OTAN.
– le tsar qui, après avoir restauré l’Etat et l’économie russes détruits par Eltsine, les aura durablement affaiblis par sa guerre : son armée se révèle en très mauvais état ; l’économie russe va souffrir de plus en plus des sanctions et perdre durablement ses exportations vers l’Occident ; ses élites les plus talentueuses fuient le pays pour échapper à la mobilisation.
4- Ce nouveau paysage doit inciter l’Union européenne à accélérer la mise en œuvre de son « autonomie stratégique ouverte » fondée sur une entente franco-allemande. Espérons que la rencontre Macron/Scholz du 26 octobre portera ses fruits !
5- Comme pendant la première guerre froide, les pays du « Sud » souhaitent en majorité être « non-alignés », c’est-à-dire : refusent de condamner l’agression russe contre un pays indépendant. Ce constat doit nous amener à engager, en Europe et entre partenaires occidentaux, une réflexion lucide sur les raisons de ce refus, alors même que ces pays subissent les conséquences économiques graves de la guerre de Poutine.
Et il doit nous convaincre de prendre des initiatives en direction du « Sud ». La COP 27 en Egypte et le prochain G20 en Indonésie nous en offrent de premières occasions.