Interview de Philippe Caduc, Président Directeur général du Groupe ADIT

21.01.2022 - Interviews

L’ADIT a réalisé de très bons résultats en 2021. Quelles en sont les raisons essentielles ?

Le bilan de notre année 2021 est effectivement très positif. Nous avons réalisé 20% de croissance organique et 156 millions d’euros de chiffre d’affaires, pour près 22 millions d’EBITDA. Notre groupe compte désormais 650 salariés et plus d’un millier de correspondants à l’international.

Ce succès s’explique par le fait que les enjeux géopolitiques et géostratégiques n’ont jamais été aussi importants. Nous sommes dans une période d’incertitude dans les relations internationales, si bien que les notions de risque pays ou d’anticipation stratégique sont au cœur de tous les grands mouvements de consolidation ou d’expansion internationale des acteurs économiques. Tous les grands projets d’investissements, de fusions-acquisitions, de croissance externe, de pénétration de marchés étrangers sont donc concernés.

La pandémie a eu un rôle amplificateur dans ce contexte, en créant encore davantage d’incertitudes, en révélant les tensions sur les marchés de l’énergie et des matières premières stratégiques. Le besoin de souveraineté est de ce fait plus que jamais crucial pour défendre les intérêts stratégiques de notre pays, nos technologies, nos entreprises.

A cela se rajoute le développement des règles d’extraterritorialité, notamment américaines, qui s’imposent aux entreprises et engendrent des risques accrus. Le droit est aujourd’hui utilisé comme une arme de guerre économique. Le commerce international obéit à des règles inédites ; dès lors, l’accompagnement de nos entreprises doit être éthique, professionnalisé et « dérisqué ».

Pour faire face à ces multiples contraintes et menaces pesant sur nos entreprises, le groupe ADIT est le seul outil global maitrisant l’ensemble des métiers de l’Intelligence Stratégique avec des entités dédiées à l’intelligence économique, à la diplomatie d’affaires, aux affaires publiques, à l’influence digitale et à l’accompagnement export. Notre groupe a vocation à réduire toutes formes de risques – la devise de l’ADIT est d’ailleurs « Reduce uncertainty worldwide » – : le risque politique, le risque économique, le risque export, le risque sécuritaire, le risque de compliance, le risque d’image, de réputation.

Comment vous êtes-vous adaptés à ces risques grandissants qui menacent les entreprises françaises ?

 La croissance externe et les différentes acquisitions de l’ADIT ces dernières années ont visé précisément à nous doter des compétences dont nous avions besoin. L’acquisition de GEOS en 2018 nous a permis de challenger les grands opérateurs anglo-saxons sur les contrats stratégiques dans des pays très crisogènes tels que la Libye ou l’Irak. Nous nous sommes également renforcés en faisant entrer dans le giron de l’ADIT, ESL & Network en 2020, un des leaders de l’accompagnement stratégique des dirigeants d’entreprises, de la diplomatie d’affaires et d’influence en Europe. Et dernièrement, en 2021, le rachat de Stratinfo, acteur pionnier des stratégies d’influence digitale en France, est venu compléter notre partenariat déjà existant avec Antidox, cabinet de conseil en stratégie de communication dont la réputation n’est plus à faire.

Par ces acquisitions, nous nous sommes dotés d’outils de plus en plus techniques et performants pour se protéger contre chacun des risques que j’ai cités. Cela nous permet d’offrir un spectre global d’actions d’intelligence stratégique, qui sont à la fois un bouclier et un glaive pour nos clients, pour sécuriser leur développement international.

Quelles sont les nouvelles étapes et les nouvelles ambitions de l’ADIT pour les 2 ou 3 prochaines années ?

L’ADIT a atteint un niveau de leadership incontestable sur le marché national. L’idée est désormais d’avoir une vision paneuropéenne et internationale de notre construction et de notre développement.

Les deux prochaines années devraient nous permettre de faire des acquisitions majeures dans trois pays de l’Union européenne dans lesquels nous sommes partiellement implantés : en Allemagne, en Italie et en Espagne. Nous visons également un renforcement de notre capacité d’accompagnement de nos clients à Bruxelles, au cœur des institutions européennes, à travers une prochaine prise de contrôle dont les discussions sont déjà bien avancées.

Notre développement ne s’arrêtera pas au continent européen ; nous allons également créer des hubs majeurs dans le monde. Un premier à Dubaï où l’ADIT va renforcer ses moyens sur place pour développer considérablement ses capacités d’intervention en matière d’affaires publiques, de compliance, de sécurité et de renseignements d’affaires dans la région du Middle East. Un second hub verra le jour à Singapour. Le marché asiatique de la compliance, de l’intelligence stratégique et de la business intelligence plus largement, est un des plus dynamiques au monde. Il représente plus de 40% de l’activité de certains opérateurs anglo-saxons, très présents dans la région ; et nous devons les y challenger. L’Afrique est un continent sur lequel nous sommes déjà bien implantés et qui représente un marché important pour nous, et où nous souhaitons nous renforcer. Enfin, nous envisageons une acquisition majeure dans le domaine de la cyber pour apporter à nos clients et partenaires des solutions dans la protection de leurs données et de leurs systèmes d’information.

L’objectif est que l’ADIT atteigne 400 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2026 et nous serons à ce moment-là l’un des leaders mondiaux de nos métiers. C’est la raison pour laquelle nous devions renforcer notre structure de capital. Aux côtés des actionnaires constants (L’Etat, Bpifrance, Parquest et Amundi), l’entrée de Sagard, annoncée ces derniers jours dans les médias, va renforcer considérablement notre capacité et faciliter notre croissance externe. Elle nous offre aussi une ouverture sur le marché nord-américain et nous créerons à cette occasion une plateforme à Montréal, qui nous permettra, tout en restant dans un espace francophone, de venir chasser sur les terres de nos concurrents anglo-saxons.

 En quoi cette stratégie est de nature à renforcer le soft power français dans le monde ?

Le groupe ADIT s’est construit il y a près de trente ans avec comme objectif de construire une alternative crédible à l’offre anglo-saxonne dans le domaine de l’intelligence stratégique. Aujourd’hui, nous pouvons considérer que ce premier objectif est atteint ; il s’agit désormais de se positionner comme l’un des leaders mondiaux. Notre ambition est d’être un outil de soft power au service de la France et des intérêts stratégiques de notre pays et de nos entreprises.

La France doit absolument être dotée d’une capacité directe de faire entendre sa voix, son modèle, son influence à l’international. Pour cela, l’Etat, qui ne peut pas tout faire, doit être accompagné et renforcé par des outils professionnels privés. En complément des capacités de l’Etat, l’ADIT est donc un tiers de confiance indépendant. Notre groupe sert – en toutes circonstances – les intérêts français ; et notre deuxième niveau de loyauté s’exerce au niveau européen, à la condition que cela n’impacte jamais les intérêts de notre pays. Le patriotisme économique est donc dans l’ADN du groupe. Aujourd’hui, nous sommes en mesure d’aller chasser sur les terres de nos concurrents historiques et sommes fiers de porter une approche française et éthique du renseignement économique, des affaires publiques et de la conformité à l’international.

Philippe Caduc
Philippe Caduc est diplômé en droit et en sciences politiques à Paris (Université de Paris II-Assas) et Oxford (Saint Antony’ s College). Chargé de mission auprès du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, et du Comité Interministériel du Renseignement de 1988 à 1992, il a ensuite évolué au sein du monde académique en tant que maître de recherche au Centre d'études des relations entre stratégies et technologies (CREST / Ecole Polytechnique) et Senior Fellow du Saint Antony’ s College à Oxford. A la tête de l’ADIT depuis 1994, il conseille les directions générales des plus grands groupes français et européens. Il a joué un rôle clé au côté de l’Etat français dans le développement de l’intelligence économique en France. Il a largement contribué à la croissance des activités du groupe ADIT en France et à l’international, depuis plus de 25 ans. Il a également œuvré directement à l’évolution progressive du capital de l’ADIT pour lui permettre de se développer et de s’affirmer comme le leader européen dans son domaine.