La normalisation entre Israël et les Émirats Arabes Unis

11.09.2020 - Regard d'expert

L’ annonce d’une normalisation prochaine des relations entre Israël et les Émirats Arabes Unis a fait la une de l’actualité internationale et a été présentée par de nombreux observateurs comme un événement historique.

C’est effectivement un mouvement significatif , qui constitue l’aboutissement de contacts officieux – sur les plans politique, économique et technologique – qui se sont développés face à ce qui est perçu comme la menace commune représentée par le régime iranien. Et il est probable que cette initiative émirienne soit suivie par d’autres États Arabes (Bahrein, Soudan, Oman? )., même si ces pays n’entendent pas se laisser presser le pas comme le montre l’échec de la dernière tournée de Mike Pompeo au Moyen Orient.

Quels sont les premiers commentaires qu’appelle cette annonce ?

– Il s’agit d’abord d’un geste de Mohamed ben Zayed à l’égard du président Trump , permettant à ce dernier de se prévaloir – à moins de trois mois de l’élection présidentielle américaine – d’un succès diplomatique. Les modalités de l’annonce sont claires de ce point de vue .

– Pour MBZ c’est une confirmation de son engagement résolu aux côtés du président Trump, tout en prenant un risque limité. Certes, les opinions publiques dans les pays arabes n’apprécient pas dans leur grande majorité ce geste, mais la « rue arabe « n’est plus ce qu’elle était. L’Iran a naturellement condamné cette initiative, mais il n’a pas en réalité les moyens d’exploiter la situation. Quant aux Américains, cette main tendue des EAU aux Israéliens est également appréciée par les Démocrates ( en cas d’élection de Joe Biden ).

– Les grands perdants dans l’affaire sont bien sur les Palestiniens, affaiblis et divisés, qui n’ont pas les moyens de réagir et qui voient la perspective d’établir leur propre État s’éloigner encore. – Le président Trump a en fait pour objectif d’amener les Saoudiens à suivre l’exemple émirien, mais il est peu probable que ceci intervienne du vivant du roi Salman, à moins d’une percée dans des négociations israélo-palestiniennes. Le souverain saoudien a certes toujours dit qu’il n’avait pas de problème à reconnaître l’existence d’Israel ; mais le Gardien des Lieux Saints de l’Islam ne pourra le faire que si il y a un règlement acceptable par les Palestiniens, ce qui n’est pas le cas avec le plan Jared Kushner.

C’est d’ailleurs ce qu’a confirmé un porte-parole du ministère saoudien des affaires étrangères . – Or c’est la que l’annonce émirienne trouve ses limites. Abou Dabi a ffirme avoir obtenu en échange de la normalisation l’arrêt des annexions israéliennes, alors que Netanyahu ne parle lui que d’une suspension et réaffirme son objectif d’annexion. Il est donc évident que l’accord n’est pas encore totalement clair, ce qui explique sans doute que la normalisation ne se fera que par étapes, en commençant par les relations économiques et technologiques.

En somme, la vérité est qu’il y a sur le dossier iranien une réelle convergence entre Israël et certains pays du Golfe (EAU, Arabie Saoudite, Bahrein) et que MBZ a fait un cadeau diplomatique – qui ne lui coûte pas très cher et qui peut rapporter gros en termes de coopération technologique avec Israël – à son ami Trump . Cela permettra-t-il une relance du processus de paix sur la base du plan Kushner ? Ce serait le cas à la condition que les Israéliens soient prêts à faire de vraies concessions aux Palestiniens par rapport au plan initial . Or cela est tout sauf sûr avec Netanyahu au pouvoir. Et il n’est pas sûr non plus que le plan Kushner survive à un échec de Trump à la présidentielle.

Bertrand Besancenot
Bertrand BESANCENOT est senior advisor chez ESL Network. Il a passé la majorité de sa carrière au Moyen Orient en tant que diplomate français. Il est notamment nommé Ambassadeur de France au Qatar en 1998, puis Ambassadeur de France en Arabie saoudite en 2007. En février 2017 il devient conseiller diplomatique de l’Etat puis, après l’élection d’Emmanuel MACRON en tant que Président de la République, Émissaire du gouvernement du fait de ses connaissances du Moyen Orient.