Armer les entreprises

06.06.2020 - Éditorial

La période dans laquelle nous nous trouvons est formidable ! Il ne s’agit pas là d’une inutile provocation : au sens étymologique du terme, est formidable celui qui inspire la plus grande crainte, la planète compte plus de 300.000 décès liés au Covid-19, et le monde doit affronter une crise économique que les économistes, qui se trompent heureusement souvent, nous prédisent aussi grave que la crise de 1929.

Mais tous les dirigeants ont la responsabilité aussi de chercher les bonnes nouvelles et les opportunités dans cette crise sans précédent : voire ce qui est formidable et positif, penser, canaliser, accélérer les transformations à l’oeuvre afin qu’elles soient bénéfiques pour les collectifs humains dans lesquels ils s’intègrent. La clé se situe dans la rapidité à comprendre les paramètres de la crise, dans la détermination d’une vision stratégique et dans une diffusion efficace auprès des parties prenantes, collaborateurs, pouvoirs publics, partenaires. Dans ce contexte, les métiers de l’intelligence économique, de la stratégie de communication, de l’influence, des affaires publiques, de la diplomatie d’affaires s’affirment chaque jour un peu plus. Des pans entiers de notre économie se trouvent en difficulté. Les filières aéronautique, automobile, transports sont menacées. Leaders et sous-traitants s’interrogent sur l’ampleur des plans sociaux probablement inévitables, la nature du soutien de l’Etat et de l’Europe, les plans de relance, la situation comparée de leurs concurrents, l’impact du monde d’après que d’aucuns souhaitent plus vert, moins dispendieux en énergie. La multiplicité des acteurs, les fractures dans la majorité présidentielle, un contexte social qui peut vite exploser, une Europe qui se cherche… sont autant d’incertitudes et de facteurs de risques qui nécessitent des stratégies d’influence particulièrement pointues et réfléchies. D’autres secteurs ont été au coeur de la crise. Ils ont permis à notre pays de tenir. La logistique, l’agriculture et les industries agro-alimentaire, la distribution traditionnelle et le commerce en ligne.

Chacun de ces secteurs a été interpellé, critiqué parfois violemment. Ils sont aujourd’hui interrogés sur leurs modèles, questionnés sur leur place dans la mondialisation. Entre Amazon, géant de la logistique, La Poste service public des territoires et des Français, les hypermarchés, les circuits courts, l’agriculture biologique ou l’autonomie alimentaire, toutes les lignes bougent. Le débat politique et les réseaux sociaux sont traversés de polémiques et controverses. Les entreprises doivent, sous peine de perdre pied, affirmer des politiques de communication et d’influence précises et particulièrement travaillées. Les Etats et notre société se sont rendus compte à travers la crise (alors que nous professionnels le savons depuis des années) que la maîtrise de notre destin passe par une autonomie stratégique. Les réflexions en cours sur la souveraineté industrielle et stratégique de notre pays et (ou) de l’Europe créent un débat national associant acteurs privés et publics. France Industrie, les organisations professionnelles, le Ministère des Finances et des ministères techniques, la Commission européenne ont entamé cette réflexion dont personne ne sait, à ce stade, ce qu’il en ressortira. Entrer dans ce débat pour des acteurs quels qu’ils soient, sans avoir une claire idée de ce qu’on souhaite bien sûr, mais aussi sans avoir des idées arrêtées et des moyens d’une stratégie d’influence et de lobbying pour y parvenir, est tout bonnement suicidaire.

Dans ce monde qui change et qui bouge, dans une géopolitique mondiale où s’affrontent les géants chinois et américains dans une bataille dont on ne connaît pas l’issue et où l’Europe, qui pourtant n’a rien à leur envier, cherche encore sa place et sa stratégie, les acteurs privés et publics ne peuvent pas se permettre de partir sans être armés. Parmi les armes, la maîtrise et la connaissance de l’information, la compréhension fine des jeux d’opinion et des mobilisations, notamment online, la diplomatie d’affaire, l’élaboration et la diffusion d’idées nouvelles, l’influence politique, sociale, digitale sont indispensables. Dans cette palette de métiers et de prestations, il est aussi indispensable de savoir élaborer au plus haut niveau des stratégies d’entreprises dans le champ complexe de la vision, des idées, de l’opinion et des valeurs. Notre ambition, ESL et Antidox, est de mettre au service des acteurs privés et publics les outils professionnels nécessaires car entreprises et gouvernements ne peuvent se suffire à euxmêmes. Agir en partenariat est une façon actuelle d’agir et de déployer des stratégies, de croiser les points de vue, les forces et les e xpertises. E ffet d e l a c rise é conomique e t du c hoc psychologique du confinement, les opinions publiques sont traversées par des émotions violentes. La numérisation des sociétés a engendré des mutations de l’espace public : fonctionnement en bulles communautaires, radicalité dans l’expression des opinions, rumeurs, circulation de fausses informations, stratégies de manipulations par des Etats ou des acteurs privés… Il est nécessaire de développer des technologies et des savoir-faire permettant de bien comprendre ces phénomènes en temps réel. C’est l’un des axes stratégiques suivis par Antidox.

Enfin, face aux grands groupes anglo-saxons de lobbying et d’influence, la course à la taille est importante pour notre pays. C’est toute l’ambition du regroupement d’ESL avec le groupe Adit : offrir aux entreprises publiques, privées, aux États, aux gouvernements une gamme de prestations qui, de la maîtrise de l’information mondiale, aux stratégies d’influence nationale et internationales en passant par la sécurité des échanges, des transactions, des personnes, permettent à nos clients de travailler intelligemment et en toute sécurité sur l’ensemble de leurs marchés où qu’ils soient, en France ou à l’autre bout de la planète.

Alexandre Medvedowsky
Alexandre Medvedowsky est un ancien élève de l’Ecole Nationale d’Administration (promotion Denis Diderot, 1984-1986). Magistrat au Conseil d’Etat à partir de 1986, il siège au cabinet de Laurent Fabius alors président de l’Assemblée Nationale de 1990 à 1992. De 1998 à 2001, il est professeur associé à l’Université d’Aix-Marseille III et enseigne à l’IEP de Paris jusqu’en 2006. Il a été conseiller des Bouches-du-Rhône de 1998 à mars 2015. Nommé conseiller d’Etat en juillet 2001, il rejoint ESL & Network Holding la même année et intègre le Directoire d’ESL & Network Holding, dont il est nommé président le 1er janvier 2013. Il a été élu président du SYNFIE, le syndicat français de l’intelligence économique en mai 2014.