Bonnes perspectives économiques de l’Arabie Saoudite

05.05.2023 - Regard d'expert

Pour la première fois de son histoire, le PIB de l’Arabie Saoudite a dépassé le seuil des 100 milliards de dollars en 2022 . Pour un pays de 36,2 millions d’habitants (dont 14 millions – soit 39 % – sont des étrangers), cela représente une richesse par habitant de 58.400 dollars, l’équivalent de celle de la France en parité de pouvoir d’achat.

La bonne conjoncture pétrolière de l’année 2022 est la principale raison du redressement spectaculaire de la croissance, mais elle n’est pas la seule. Effectivement, après trois années de stagnation économique et une récession en 2020, l’Arabie renoue avec des taux de croissance du PIB vigoureux, de 3,9 % en 2021 et de 8,9 % en 2022, grâce à un prix du baril élevé à 101 $ en moyenne sur l’année (soit + 41 %) et une production en hausse.

Tirée par une plus forte demande et malgré le plafonnement dans le cadre de l’accord OPEP +, la production a progressé de 11 % (soit 10,2 millions de barils par jour en moyenne) par rapport à 2021. Ce double effet « prix et volume » a permis au PIB pétrolier de progresser de 15,4 % au cours de l’année. Ainsi, les exportations ont fait un bond de 47 % en 2022.

De son côté, le PIB hors pétrole a progressé de 5,4 %, tiré par l’ensemble des secteurs (commerce de détail, transport, activités financières et construction). La consommation des ménages a elle aussi progressé de 5 %.

L’Arabie axe son développement sur la montée en charge du secteur privé et la diversification de l’économie, avec le fonds souverain PIF comme fer de lance. Ceci se lit dans les chiffres d’investissement qui devraient progresser de 18 % en 2022.

Comme lors de précédentes hausses de prix des hydrocarbures (en 2010 et 2017), le solde courant est redevenu très excédentaire. Il pourrait atteindre en 2022 le montant considérable de 155 Mds USD, soit l’équivalent de 15,1 % du PIB. Ceci a permis au pays d’améliorer un peu ses réserves de change à 460 Mds USD (fin 2022), soit un niveau élevé équivalent à presque deux années d’importations, malgré leur chute depuis 2014.                             La dette externe, de son côté, a un peu diminué à 263 Mds USD fin 2022. Les réserves nettes, en y incluant certains actifs du PIF, représentent donc 246 Mds USD, soit 24 % du PIB. Cela reste un montant très confortable, même s’ il a beaucoup chuté depuis 2015, où il atteignait 69 % .

Du côté des finances publiques, les excédents budgétaires de 2022 devraient s’établir à 3 % du PIB. Cette bonne performance (après huit années de déficit budgétaire), soutenue par la forte croissance du PIB de presque 9 %, va donc permettre une forte baisse de l’endettement public. Au total, le ratio de dette publique sur PIB devrait se contracter de 34% à 28 %.

Quant à l’inflation, elle est restée très mesurée, et s’est atténuée à 2,5 % en 2022, après un impact plus fort – au cours des précédents trimestres – lié aux mesures fiscales et à la hausse de la TVA.

Qu’attendre de l’année 2023 ?

Cette année, une décélération de la croissance à 2,8 %, en raison de l’effet de base et d’un pétrole un peu moins cher (prévision à 91 $ le baril), est attendue.

Après la forte hausse de 2022, le secteur pétrolier va se stabiliser en 2023 et la croissance pourrait chuter à 1 % compte tenu de volumes de production assez stables et d’un prix du pétrole en légère baisse. En revanche, le PIB hors pétrole devrait poursuivre son rebond d’activité, qui pourrait s’établir autour de 4 %. L’inflation devrait rester modérée à 2,2 %.

En bref, pour un pays encore largement rentier, la principale fragilité est le caractère cyclique de la politique économique et des équilibres macro-économiques en fonction de la volatilité des prix du pétrole. La politique budgétaire tend à réduire cette vulnérabilité grâce à des réformes fiscales vigoureuses (TVA et baisse des subventions ), mais l’économie devrait malgré tout rester rentière à moyen terme.

Le succès de la diversification de l’économie va donc dépendre, dans les prochains trimestres, de la poursuite de la réalisation du programme de réformes , et en particulier du délicat équilibre de son financement entre les ressources financières domestiques et l’attraction des investissements directs étrangers. D’où la priorité accordée par les autorités de Riyad à ce dernier objectif, afin de financer les grands projets de la Vision 2030.

Bertrand Besancenot
Bertrand BESANCENOT est senior advisor chez ESL Network. Il a passé la majorité de sa carrière au Moyen Orient en tant que diplomate français. Il est notamment nommé Ambassadeur de France au Qatar en 1998, puis Ambassadeur de France en Arabie saoudite en 2007. En février 2017 il devient conseiller diplomatique de l’Etat puis, après l’élection d’Emmanuel MACRON en tant que Président de la République, Émissaire du gouvernement du fait de ses connaissances du Moyen Orient.