Développer le capital humain en Afrique : c’est maintenant !

23.09.2022 - Regard d'expert

L’Essec Business School lance le programme « Generation Africa », destiné aux cadres du secteur privé sur le continent. Pour les responsables de ce cursus, l’accent doit désormais être mis sur le capital humain en Afrique.

Développer le capital humain en Afrique est un enjeu crucial, à l’heure des grandes ruptures technologique, industrielle et politique. La pandémie du Covid-19 et le conflit en Ukraine exigent des institutions et des entreprises qu’elles s’adaptent rapidement pour être en capacité d’identifier et de saisir de nouvelles opportunités, tout en créant de nouvelles expertises. Dans ce contexte, le continent occupe une place à part. L’Afrique, c’est donc maintenant !

Plus de 1 200 universités

Pourquoi ? Les faits : le continent africain compte aujourd’hui une classe moyenne de 350 millions de personnes et comptera la première population active au monde d’ici à 2035. Plus encore, l’accès à l’éducation est en augmentation constante. L’accès à l’école primaire s’élève à présent à près de 80 %, contre 55 % au début des années 1990, et le continent compte aujourd’hui plus de 1 200 universités. Aussi, le développement des infrastructures s’accélère : on compte plus de téléphones mobiles en Afrique qu’aux États-Unis et en Europe réunis.

Autre force : les ressources naturelles, qui sont parmi les plus importantes au monde. Le continent abrite 50 % des réserves mondiales du cobalt, 40% des réserves d’or ou 12% de celles du pétrole, avec de nouvelles exploitations potentiellement significatives au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Ghana. Les exemples sont nombreux. La Guinée est ainsi le deuxième producteur mondial de bauxite, matière première clé permettant la production d’aluminium, et la RDC et la Zambie sont les cinquième et septième producteurs mondiaux de cuivre.

Du fait de leurs ressources minières, plusieurs pays africains occupent une place stratégique pour les États et les entreprises du monde entier. La crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont révélé les risques inhérents à une concentration excessive dans la chaîne de production mondiale, et a remis au goût du jour les souverainetés industrielle, sanitaire, alimentaire, énergétique.

72 milliards de dollars d’investissement

Les puissances internationales et régionales investissent ou réinvestissent le continent. Les pays africains peuvent saisir les opportunités et développer leur tissu industriel, afin de s’intégrer dans la chaîne de valeur mondiale. Ainsi, le secteur automobile se développe de Tanger à Nairobi ; l’industrie spatiale continue sa mue du Caire à Lagos ; l’industrie financière se renforce d’Abidjan à Kigali ; les villes nouvelles se créent et deviennent le visage de ces mutations, du Caire aux faubourgs de Dakar.

Des pays locomotives impulseront la croissance de demain, les nations émergentes se transformeront en nations leader, les petites entreprises deviendront grandes, les entreprises panafricaines achèveront leurs mutations pour se constituer en véritable groupes internationaux.

Ainsi, Ethiopian Airlines, MTN, Ecobank, OCP, Dangote, Shoprite, pour ne citer qu’elles, ont annoncé 72 milliards de dollars d’investissement sur la prochaine décennie. Au niveau du capital investissement, les fonds de private equity (capital-risque) se développent et ont levé plus de 18 milliards de dollars entre 2015 et 2020. De même, le bras privé de la Banque mondiale, la Société financière internationale (IFC), prévoit d’investir 9,4 milliards de dollars en 2022. Le monde va davantage s’africaniser et l’Afrique continuer à s’internationaliser.

Les entreprises africaines et étrangères, ainsi que les grandes institutions internationales, doivent se préparer à ces bouleversements. Elles le feront en innovant, en identifiant et valorisant les talents. En un mot, en mettant le capital humain au cœur de leurs priorités et décisions.

Publié dans Jeune Afrique le 16/09/2022
Par Benoît Chervalier, Judith Williams et Tuck Slong Chung

Benoît Chervalier
Benoît Chervalier est banquier d’affaires, enseignant à Sciences Po Paris sur le financement des économies africaines et à l’ESSEC sur le financement privé en Afrique. Spécialiste des questions de dettes et de financements sur le continent, il bénéficie d’une large expérience exécutive auprès de grands groupes industriels (Airbus) et bancaires (Rothschild), après avoir mené une première partie de sa carrière pendant une dizaine d’années dans le secteur public, en particulier à la Direction générale du Trésor en France et à la Banque africaine de développement où il dirigea le département chargé des financements concessionnels et le Comité chargé des finances du Groupe de la Banque.