Jadot remporte la primaire chez les Verts c’est… la faute à Rousseau !

01.10.2021 - Éditorial

La France entre dans un trimestre qui va permettre à la situation politique de se cristalliser et de se décanter. Comme à chaque échéance présidentielle, c’est vers Noël ou le début d’année que nous commencerons à y voir clair. La rentrée politique d’Emmanuel Macron a été assez réussie avec des séquences maîtrisées, une bonne gestion de la sortie de la crise sanitaire, un soutien massif à l’activité économique, une présence physique sur les territoires avec un bel épisode marseillais, et une organisation politique de pillage des élus de droite plutôt réussie.

Dans les oppositions, ce sont les Verts qui ont tiré les premiers en organisant leur primaire avec succès. 122 000 inscrits, ce qui est un chiffre très important comparé aux 33 000 participants de 2011, et aux 17 000 de 2016. Ils ont ainsi choisi leur candidat : Yannick Jadot. Et c’est une petite surprise. A ceux qui croyaient que les primaires étaient une machine à faire désigner les plus radicaux, les plus extrémistes et donc une machine à perdre, à ceux qui croyaient, au soir du premier tour de cette primaire, que Sandrine Rousseau allait recevoir le soutien d’une majorité des électeurs d’Eric Piolle et de Delphine Batho, les électeurs de la primaire écologiste ont envoyé un autre message. Ils ne veulent pas d’une candidature de témoignage. Ils ne veulent pas d’une candidature poussant l’écologie à la caricature. Ils souhaitent un candidat prêt et apte à gouverner. Les électeurs de la primaire écologiste ont fait preuve à cet égard d’un sens des responsabilités important dont il ne faut pas sous-estimer la signification. La remontée et la victoire du SPD en Allemagne pourraient donner des idées à la gauche de gouvernement en France.

Avec la victoire de Yannick Jadot, la pression est désormais sur les épaules de ce qu’il reste du Parti socialiste, d’Anne Hidalgo  auto-désignée ou presque candidate et en voie d’« harmonisation» et d’Arnaud Montebourg. Yannick Jadot avait montré une grande hauteur de vue en retirant sa candidature en 2017 au profit du candidat socialiste. Il serait bon que les socialistes lui rendent la pareille pour donner à la gauche une chance de gouvernement au premier tour de la Présidentielle.

Cette chance n’est d’ailleurs pas simplement hypothétique. Les données du premier tour de la présidentielle montrent que le jeu reste ouvert. Et si les Français ne voulaient pas d’un deuxième tour Macron/Le Pen déjà connu et peu enthousiasmant ? La dynamique autour de la candidature d’Eric Zemmour rebat les cartes. Pour peu qu’elle dure (et rien n’est encore sûr), les possibles seconds du premier tour de la Présidentielle n’ont sans doute plus besoin de faire 22/23 % au premier tour, mais plutôt 18/19 %. À ce niveau de score, Le Pen peut être challengé par le candidat des Républicains, par Zemmour lui-même, par le candidat de la gauche de gouvernement s’il arrive à enclencher une dynamique positive, voire même par Jean Luc Mélenchon candidat de la France Insoumise si la gauche de gouvernement s’écrase avant le décollage. Toutes ces données restent évidemment aujourd’hui des possibilités. Beaucoup de variables existent et les deux mois qui viennent seront décisifs pour voir comment elles évoluent. La désignation de Jadot va-t-elle engendrer un cercle vertueux ou pas, à la mode du Printemps Marseillais ? La balle est dans le camp d’Olivier Faure et d’Anne Hidalgo qui seraient l’un et l’autre bien inspirés de le comprendre, sous peine d’un risque de disparition finale. Que va donner la désignation en Congrès chez les Républicains ? Une primaire ouverte était sans doute l’occasion aux électeurs républicains de donner une leçon de sagesse à leurs responsables politiques en désignant le ou la plus apte à battre Emmanuel Macron. Ce qu’il reste de l’appareil des LR en est-il capable ? A eux de le montrer même si j’ai quelques doutes. La dynamique Zemmour va-t-elle emporter à la fois le Rassemblement national et LR sur son passage. Elle est, en tout cas, très forte partout en France. Pour l’instant la caricature, la mobilisation modeste des républicains modérés ni l’hésitation manifeste de l’entourage de Marine Le Pen sur la conduite à tenir face à lui, ne paraissent de nature à la freiner. Qu’en sera-t-il au mois de décembre ? Là encore beaucoup d’incertitudes.

Au moment où nous parlons, deux choses sont sûres. Le casting est aujourd’hui connu. Il n’y aura ni homme, ni femme providentiels à l’élection présidentielle dont le nom n’aurait pas encore été cité par les médias ou par les commentateurs politiques. Par ailleurs, Emmanuel Macron trace son chemin. Il y a bien sûr contre lui des éléments forts de rejet, parfois même de haine dans une partie de l’électorat. Il conserve néanmoins aujourd’hui un socle électoral solide qui lui garantit, sauf des incidents ou dérapages incontrôlés, sa présence au second tour de l’élection présidentielle. Dans cette période de crise économique et sanitaire mondiale, il a tenu bon, avec des bas au début, mais plutôt des hauts aujourd’hui. On ne dira jamais assez combien le « Quoiqu’il en coûte » a été un formidable slogan, doublé d’un engagement financier de l’Etat sans précédent, permettant à notre pays, à ses salariés, à ses entreprises de rester la tête hors de l’eau, sans drame économique, ni social.

Rien n’est pour autant gagné pour lui et les incertitudes sur le candidat du deuxième tour de l’élection présidentielle rendent tout aussi incertaine sa réélection. Plusieurs des candidats possibles peuvent aujourd’hui vaincre Macron au deuxième tour de l’élection présidentielle, à condition de ne pas tous s’entretuer au premier.

Il reste aux uns et aux autres à convaincre, à donner du sens à leurs combats politiques, à donner des perspectives à la France et aux Français, à maintenir au plus haut la place et l’influence de notre pays dans le Monde, à réaffirmer son attachement à l’Europe et à ses valeurs, à bâtir un nouveau modèle de croissance respectueux de son environnement. La Présidence française de l’Union européenne, à partir du mois de janvier, sera l’occasion pour Emmanuel Macron de mettre en oeuvre quelques éléments concrets sur chacun de ces sujets. Ce sera, pour lui, un avantage certain sur ses concurrents.

Alexandre Medvedowsky
Alexandre Medvedowsky est un ancien élève de l’Ecole Nationale d’Administration (promotion Denis Diderot, 1984-1986). Magistrat au Conseil d’Etat à partir de 1986, il siège au cabinet de Laurent Fabius alors président de l’Assemblée Nationale de 1990 à 1992. De 1998 à 2001, il est professeur associé à l’Université d’Aix-Marseille III et enseigne à l’IEP de Paris jusqu’en 2006. Il a été conseiller des Bouches-du-Rhône de 1998 à mars 2015. Nommé conseiller d’Etat en juillet 2001, il rejoint ESL & Network Holding la même année et intègre le Directoire d’ESL & Network Holding, dont il est nommé président le 1er janvier 2013. Il a été élu président du SYNFIE, le syndicat français de l’intelligence économique en mai 2014.