Surmonter l’incertitude
Diriger et décider sont étroitement liés. La première des qualités du chef est, en effet, l’esprit de décision. Sans celui-ci, il ne peut guider le groupe dont il a la charge. Ainsi, la prise de décision est la clé de voûte de ses responsabilités se fondant sur une évidente réflexion préalable, conduite seul ou à plusieurs. Puis, elle débouche sur les directives qu’il devra donner pour la mettre en oeuvre, tout en s’assurant de leur bonne exécution. Parce que le meneur est avant tout un décideur, il doit avoir conscience que l’essence même de cet acte est l’incertitude. Loin de lui faire peur, cela lui impose de composer avec elle et de comprendre que, sans cette dernière, il ne serait que le responsable d’un processus mécanique. Confronté à cette incertitude, le chef n’a pas d’autre choix que de mobiliser l’audace pour la surmonter.
De l’audace en temps de crise
C’est en temps de rupture que l’on doit convoquer, plus que jamais, l’audace. En faire preuve, c’est affirmer son statut de chef en se positionnant comme un protagoniste, qui va, assurément, au combat. Un geste initiatique et premier qui s’affirme et s’assume à travers la prise de décision. Associée à l’imagination, elle permet de reprendre la main, réécrire un avenir, redessiner un lendemain. Cela se traduit concrètement par la capacité à assumer une attitude et un choix qui sortent de la norme et à l’imposer malgré l’opinion divergente de celui qui la mettra en oeuvre ou bien la subira.
Des convictions
Le risque est grand, toutefois, de ne jamais faire preuve d’audace. La peur d’échouer et d’être désigné comme le responsable d’un arbitrage jugé incompréhensible tend en effet à la limiter. C’est d’autant plus manifeste que l’intelligence artificielle et l’analyse du Big Data promettent de fournir au décideur une capacité d’analyse supérieure à celle dont il est lui-même capable. De l’avis de l’opinion publique aux résultats d’algorithmes surpuissants, une faible place est laissée au courage du chef afin qu’il ose imposer sa propre vision, fondée sur ses convictions, son analyse et son intuition. En résulte un consensus tiède, façonné par les silences et l’observation. Et pourtant, lorsque le chef décide, la demi-mesure n’a pas sa place. Il doit se libérer d’une norme qui fige et enferme. Il en va de même pour les biais cognitifs qu’il doit systématiquement chercher à dépasser. Conscient de la toile de fonds, des rapports de force et des postures, il se doit d’insuffler sa vision à long terme.
Imposer une vision
Les résonances et les incidences de l’élaboration de la décision sont légion. Le contexte est prégnant ; les incertitudes sont en nombre. Et pourtant, le chef qui tranche doit assumer le risque qu’il prend, même si sa maîtrise n’est pas totale. Cependant, qu’on ne s’y trompe pas, l’audace ne signifie pas déraison. Elle ne doit jamais être mise en oeuvre pour la simple satisfaction de sortir du cadre ou pour flatter l’orgueil d’un chef, fier de se situer là où on ne l’attend pas. Si tel était le cas, elle serait dangereuse. L’audace ne peut se concevoir sans une profonde réflexion, forgée par les outils technologiques ou bien l’avis de ceux qui sont dirigés. Plus le processus de réflexion est affiné et poussé, plus la prise de décision est complexe car le chef a une conscience bien plus importante des enjeux de ce qu’il tranchera. Il n’aura donc pas d’autre choix que de faire preuve d’audace. La crise actuelle rappelle combien celle-ci est nécessaire. Confrontés à une situation inédite, les dirigeants, qu’ils soient politiques, entrepreneurs, responsables d’institution ou encore d’organisation, n’ont pas d’autre choix que de s’adapter. L’enjeu est tel qu’il nécessite un véritable courage : celui de dépasser la logique individualiste pour rechercher et poursuivre uniquement le bien commun.